Cette notion est évoquée dans le domaine des sciences, de la prise de décision en organisation et la vie quotidienne. La sérendipité est associée au hasard.
Le concept est très ancien et largement répandu. Certains chercheurs en ont même fait leur spécialité. Zoom sur la sérendipité, notion que l’on retrouve aussi bien dans les sciences au sens large du terme, que dans la vie quotidienne.
Une histoire de chameau
« Serendipity ». Le mot a été inventé en 1754 par un philosophe anglais nommé Horace Walpole. La définition qu’il en donne lui-même est la suivante : le fait de découvrir quelque chose par accident et sagacité alors que l’on est à la recherche de quelque chose d’autre (accident and sagacity while in pursuit of something else).
Walpole inventa ce mot après avoir lu un conte persan, « Les trois princes de Serendip », traduit en italien et publié en 1557 par un imprimeur vénitien du nom de Michele Tramezzino. Ce conte aurait été traduit par un certain Christoforo Armeno, même si on ne sait pas vraiment si celui-ci n’a pas existé que dans l’imagination de Tramezzino.
Dans ce conte, les trois princes parviennent à décrire un chameau uniquement par les traces qu’il a laissé dans l’herbe sans jamais l’avoir vu. Ainsi, ils affirment que l’animal est borgne, boiteux, et qu’il a une dent en moins. Néanmoins, ce n’est pas cette observation qui fait naître la notion de sérendipité. Alors qu’ils sont accusés d’avoir volé le chameau et qu’ils sont sur le point d’être exécutés, un villageois affirme soudain avoir croisé l’animal dans le désert : les trois princes sont alors sauvés et récompensés d’un titre honorifique pour leur sagacité. Le fait d’obtenir cette récompense non recherchée est qualifiée de « sérendipiteuse ».
La sérendipité : le fait du hasard ?
En 1976, Alain Peyreffite donnait sa définition de la sérendipité : « Trouver par hasard ce que l’on ne cherche pas. Ne jamais trouver ce que l’on cherche… « . Le concept serait donc intimement lié à celui de hasard ?
Si le hasard est « présent » quand on évoque la sérendipité, les deux notions diffèrent. C’est en substance ce qu’expliquent deux chercheurs reconnus dans ce domaine, Pek van Andel de l’Université de Groningues, aux Pays-Bas, et Danièle Boursier, chercheur au CNRS dans leur livre « De la Serendipité dans la science, la technique, l’art et le droit » (Ed.l’Act Mem).
On retrouve des extraits de l’ouvrage dans cet article du 16/07/2009 paru sur Internet Actu.net. Danièle Boursier explique que « la sérendipité met en valeur la sagacité ou perspicacité de celui qui tombe dessus. Si on n’est pas préparé, on ne voit pas le fait ». Et Pek van Andel d’ajouter que « Plus on connait, plus on travaille, plus on possède une vision, plus on a de chance découvrir une fleur au bas côté de la rue ».
En d’autres termes, laisser l’intelligence se développer, pour faire place à la créativité. Et découvrir de nouvelles choses ou le contraire de ce que l’on cherchait.
La sérendipité s’observe dans de multiples domaines : la recherche scientifique (voir-ci-dessous), également les sciences sociales dans leur ensemble. On l’évoque en management (brainstorming), en communication (recherche d’information sur internet), en sociologie…
A cet égard, nos deux chercheurs citent le cas de Rosa Parks, femme noire qui, en refusant de s’installer au fond d’un bus avait provoqué un mouvement sans précédent aux Etats-Unis. “Rosa Parks était une princesse de Serendip”, nous dit van Andel, “car elle s’était renseignée sur les droits civiques! Dix ans avant elle avait effectué le même acte sans obtenir le même résultat.”
De John Cusack au…Velcro
La sérendipité peut prendre plusieurs visages selon le domaine dont on parle, ou les conséquences, qui en résultent.
- La trouvaille ou la rencontre heureuse. Chez les américains, la sérendipité désigne une rencontre heureuse imprévue, ou bien le lieu où l’on fait de telles rencontres. Un célèbre salon de thé à New-York porte le nom de Serendipity (on en trouve aussi un à Paris), et a même donné son nom à un film en 2002, interprété notamment par John Cusack (en français : Un amour à New-York).
- Le fait de trouver par hasard autre chose, voire le contraire de ce que l’on cherchait, et de se rendre compte de son importance. Très courante en sciences, et notamment en chimie. C’est par exemple le cas de l’aspartame, qui fut découvert d’une manière inattendue en 1965 par un chercheur américain, J. Schlatter. Celui-ci travaillait sur un médicament anti-ulcère et c’est en humectant son doigt pour prendre une feuille de papier qu’il aurait découvert la saveur sucrée de son composant.
- Le fait de trouver quelque chose que l’on cherchait à la suite d’un accident ou d’une erreur et de s’en rendre compte. On peut citer l’invention de la pénicilline, par A. Fleming en 1928. Des cultures oubliées sur sa paillasse après un retour de vacances lui permirent en effet de faire cette découverte majeure.
- Le fait de trouver par hasard une application imprévue à quelque chose et de s’en rendre compte. Le four à micro-ondes fut inventé par hasard par Percy Spencer, un ingénieur américain qui travaillait alors sur les radars, quand ce dernier s’aperçut que la barre de chocolat qu’il avait dans la poche avait fondu.
- Le fait de trouver par accident ou hasard l’idée d’une innovation. C’est le cas du Velcro (avec un « saut inventif »), qui combine une découverte (celle des crochets de bardane qui s’accroche aux chaussettes) avec une invention (celle des fermetures auto-crochantes).
« Il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous », écrivait Paul Eluard. Peut-être une des plus jolies manières de définir la sérendipité, qui, par un chemin inspiré, nous offre la découverte de ce que l’on n’attendait pas, ou plus.